Pessa’h 5785 – n°451

L’ouverture de la Mer Rouge

Le septième jour de Pessa’h correspond au jour où les Bné Israël ont traversé la Mer Rouge, après être sortis d’Egypte. Nos Sages décrivent la scène où Moshé Rabénou se poste devant la Mer Rouge et révèlent un dialogue intéressant : la mer, forte de son antériorité cosmique, refuse de s’ouvrir.

Elle se prévaut d’avoir été créée le troisième jour de la création du Monde, tandis que l’Homme ne l’a été que le sixième, et revendique ainsi un rang supérieur. Moshé Rabénou, décontenancé, se tourne vers Hakadosh Baroukh Hou. Hashem pose alors Sa main droite sur celle de Moshé, et ainsi, la mer, « voyant » la présence divine, cède aussitôt et s’ouvrit.

L’argument de la mer est à priori incompréhensible. En quoi la date de création prévaut sur la demande de Moshé Rabénou ? Une création précédant une autre lui est-elle supérieure ?

Notre maître le Or Ha‘Haïm éclaire cette scène : toute la création fut formée à la condition expresse qu’elle resterait soumise à la Torah – elle-même antérieure au monde – et à ceux qui l’étudient. De même qu’un plus jeune doit s’incliner devant son aîné, la nature doit se plier devant celui qui incarne la sagesse première. La Thora est non seulement la base et le fondement sur lesquels se basa Hashem pour créer le Monde, mais aussi la raison pour laquelle le Monde subsiste. La mer devait donc s’effacer devant ceux qui l’étudient.

Cependant, avant le don de la Thora au Har Sinaï, Moshé Rabénou n’avait pas encore reçu cette prééminence, et donc la mer refusa de s’ouvrir ! Mais dès que la main droite d’Hashem – allusion à la Torah – se posa sur lui, il acquit cette autorité supérieure, puisqu’il était en route vers le Har Sinaï pour recevoir la Thora. De plus, les Sages nous enseignent qu’une personne en route pour étudier la Thora acquiert déjà le statut de sage, bien qu’il n’ait pas encore ouvert le moindre livre ! Par conséquent, la mer perdit tout fondement à son refus. Ainsi, le miracle ne procède pas d’un affrontement de forces, mais d’une hiérarchie spirituelle : la Torah, plus ancienne et plus sainte que les flots, l’emporte sur leur ancienneté apparente.

Cette lecture révèle la continuité profonde qui unit la sortie d’Égypte au don de la Thora. Pessa’h n’est pas un aboutissement ; c’est une étape vers Chavouot. La libération ne trouve son sens que dans la perspective du don de la Torah : « Lorsque tu auras fait sortir le peuple d’Égypte, vous servirez Hashem sur cette montagne. » C’est pourquoi les quarante‑neuf jours du compte du ‘Omer traduisent une ascension : chaque journée dans le désert rapproche l’ancien esclave du statut d’homme de Torah, condition d’une véritable liberté. Au regard de cette perspective, la nature elle‑même se révèle malléable ; elle se plie à la volonté divine dès qu’un être humain se lie à la sagesse qui précéda toute existence. La mer Rouge devient alors le symbole intemporel d’une création prête à s’effacer devant quiconque porte authentiquement la Torah.

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